L’histoire du Train du Montenvers à Chamonix
Le Train du Montenvers, emblématique de la vallée de Chamonix, est une véritable prouesse technique et historique. Il relie la ville de Chamonix au site du Montenvers et la Mer de Glace, l’un des sites naturels les plus visités des Alpes françaises. Son histoire est étroitement liée au développement du tourisme alpin et aux avancées technologiques de l’époque.

Aux origines : l’attrait pour la Mer de Glace
Rendue célèbre suite à la visite des Britanniques Windham et Pockocke en 1741, la Mer de Glace est vite devenue une excursion incontournable de la vallée de Chamonix. Dans l’un des premiers guides touristiques suisses datant de 1793, on peut lire que « Quiconque vient à Chamouni et ne fait pas l’excursion du Montenvers a manqué le but de son voyage ». Autrefois accessible à dos de mulet, ce site a attiré les plus célèbres personnalités en leur temps: de William Turner (1801), à François-René de Chateaubriand (1805), George Byron (1816) et Mary Shelley (1816), en passant par Victor Hugo (1825), Alexandre Dumas (1832), Charles Dickens (1846) ou Louis Pasteur (1860), pour ne citer que quelques noms parmi la longue liste des éminents visiteurs.
Avec le développement du tourisme, inspiré par les écrits de naturalistes et les œuvres des peintres romantiques, la demande pour un accès simplifié à ce site spectaculaire n’a cessé de croître.
La naissance du projet ferroviaire (1902-1909)
En 1877, l’historien géographe et grand amateur d’alpinisme Charles Durier estime que le mulet, c’est bien mignon, mais ça n’avance pas très vite ! Pourquoi ne pas mécaniser la montée en dotant le Montenvers d’un chemin de fer à crémaillère ? En pleine industrialisation du pays, l’idée fait son chemin et intéresse un groupe d’investisseurs qui dépose une demande de concession en 1892 auprès du Conseil général de Haute-Savoie.
Le Préfet Masclet ouvre, par arrêté du 8 janvier 1893, ce qu’on appellerait une enquête d’utilité publique. Plusieurs centaines de Chamoniards viendront exprimer leur désaccord, mais finalement, en 1897 la demande de concession est validée.
1902
Les premiers plans sont dessinés, mais les travaux ne commencent qu’en 1906. Le projet est ambitieux : un chemin de fer à crémaillère, permettant de gravir des pentes raides et de surmonter les défis topographiques imposés par le massif alpin.
1906
Les travaux du chemin de fer du Montenvers débutèrent en mai 1906.
Le chantier mobilisa une main-d’œuvre principalement composée d’ouvriers italiens, notamment du Val d’Aoste, mais aussi de travailleurs locaux, dont des muletiers affectés par la future disparition de leur activité.
En moyenne, 200 à 250 hommes participèrent à la construction, occupant divers rôles : terrassiers, mineurs, maçons, forgerons, porteurs et manœuvres. Pour éviter de longs déplacements en altitude, des baraquements furent installés près du tracé.
Le transport des matériaux et des outils, tels que le ciment, la chaux, le bois ou les vivres, s’effectuait grâce à des mulets.
Pendant la pause hivernale, les efforts se concentrèrent sur Chamonix, où furent définis l’emplacement de la gare de départ, du dépôt et des ateliers d’entretien. Située à l’est de la gare PLM, la nouvelle gare nécessitait une passerelle pour relier les deux infrastructures et faciliter la circulation des voyageurs.
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1908
Le 3 août 1908, la compagnie obtint l’accord de principe de l’administration pour une ouverture jusqu’au terminus provisoire, au lieu-dit La Filliaz. La fin de l’ascension se faisait à pieds et à dos de mulets, par un sentier conduisant les visiteurs jusqu’au Montenvers.
Le 7 novembre 1908, le premier convoi de travaux atteignait la gare supérieur du Montenvers après que les viaducs des Bois et du Montenvers aient été finalisé et testé dans l’automne par 3 locomotives vapeur.
Durant les dix semaines d’exploitation jusqu’au terminus provisoire, 24.000 personnes avaient été transporté !
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1909
Le train atteint le Montenvers ! La saison d’exploitation commençait autour de la Pentecôte, soit fin mai ou début juin, avec un service réduit à trois allers-retours par jour et un temps de trajet d’environ 55 minutes.
Entre début juillet et mi-septembre, la fréquence augmentait à cinq départs quotidiens depuis Chamonix : à 6h00, 8h10 et 10h00 le matin, ainsi qu’à 14h00 et 16h30 l’après-midi. Le premier départ, facultatif, n’était assuré que si au moins vingt voyageurs s’étaient inscrits la veille au soir.
1910
Le 7 septembre 1910, à l’occasion du cinquantenaire du rattachement de la Savoie à la France, le président Armand Fallières visita Chamonix. Reçu par les autorités locales et la compagnie des guides, ils inaugurèrent l’hôtel de ville avant de rejoindre la gare du chemin de fer à crémaillère. À 14 heures, un train spécial emmena le cortège au Montenvers d’où le président admira la Mer de Glace.
La saison 1910 permis de transporter 44 707 personnes.
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L’entre deux guerre, et l’après-guerre
Avec la reprise du tourisme après la guerre, la Mer de Glace retrouva son statut d’attraction phare de la vallée de Chamonix. Chaque jour, durant les mois de juillet et août, plusieurs milliers de visiteurs affluaient à la gare du chemin de fer du Montenvers.
Cependant, malgré une gestion efficace et un entretien rigoureux du matériel roulant, l’exploitant réalisa qu’il serait impossible de continuer à absorber un tel volume de voyageurs sans entreprendre une modernisation en profondeur de la ligne. Celle-ci, pratiquement inchangée depuis son inauguration quarante ans plus tôt, ne répondait plus aux exigences d’une fréquentation toujours croissante.
A noter également, la création de la 1ère grotte de glace en 1946 par Monsieur Georges Claret via une concession communale. Attraction visant à renouveler l’attrait à la Mer de Glace, dont le niveau baissait (déjà) d’année en année.
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1953 -1954
La ligne est électrifiée, remplaçant les locomotives à vapeur par des motrices électriques (Schweizerische Lokomotiv- und Maschinenfabrik (SLM) de Winterthur), une innovation majeure qui améliore l’efficacité et réduit l’impact environnemental.
Au printemps 1954, le chantier était achevé mais les nouvelles rames n’étaient pas encore livrées. L’exploitation démarra donc encore en action vapeur. Les quatre automotrices et les deux remorques furent mises en exploitation en juillet et août, permettant de réduire le temps de trajet de 50 à 20 minutes.
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1955-1971
Le trafic progresse régulièrement pour atteindre plus de 730.000 visiteurs en 1971 !
Mais, face au recul du glacier, des aménagements sont réalisés pour maintenir l’attractivité du site. En 1960, un téléphérique est installé pour permettre aux visiteurs de descendre jusqu’à la surface de la Mer de Glace. Cette infrastructure, modernisée par une télécabine en 1988 et remplacée en 2024 par une télécabine plus moderne et permettant d’accéder plus près du glacier, devient un complément essentiel au Train du Montenvers.
Pour faire face à l’augmentation du nombre de passagers, la compagnie se dote en en 1967 d’une première locomotive diesel. On accède pour la première fois au Montenvers en hiver le 31 décembre 1967 !
Des années 70 aux années 90
Le trafic ne cesse de se développer et couronne le succès du chemin de fer du Montenvers.
Un nouvel accroissement du parc se poursuit avec la mise en service au printemps 1972 de 2 nouvelles locomotives diesel ! Cela porte à 8 le nombre total de locomotives.
Le nombre record de 22.894 passagers journaliers ainsi que le record absolu de 162 trains (81 A/R) sont établis le 14 aout 1975 ! Cette même année, la compagnie compte plus de 50 salariés.
En 1979, une sixième locomotive électrique est mise en service. La compagnie disposant désormais de 9 locomotives !
En 1990, le record absolu de voyageurs transportés sur l’année est réalisé : 1.008.305 passagers ayant emprunté le train !
Des années 90 à aujourd’hui
Au début des années 1990, la priorité fut donnée à la sécurisation des couloirs d’avalanches pour permettre une exploitation de la ligne en toutes saisons. Ce vaste chantier, étalé sur six ans, renforça considérablement la protection du tracé ferroviaire. Au total, 597 mètres de voie furent protégés des avalanches, garantissant une meilleure sécurité pour les usagers.
En 1993-1994 un service régulier annuel fût mis en place, permettant notamment d’étaler la fréquentation sur l’ensemble de l’année et offrait un service complémentaire aux skieurs effectuant la Vallée Blanche.
De 2011 à 2024, renouvellement de l’intégralité des rails, de la crémaillère et des aiguillages sur les 5.140 m de la ligne.
Ce programme d’aménagement reflète la volonté de préserver et moderniser cette ligne, inscrite au patrimoine historique depuis 1985, témoignant de son importance culturelle et touristique.
Une icône d’aujourd’hui
Depuis le 1er novembre 2024, le Département de la Haute-Savoie a repris l’exploitation du train du Montenvers via une régie qui assure la qualité du service public et une politique commerciale maîtrisée, tout en poursuivant l’entretien du site et du matériel.
Aujourd’hui, le Train du Montenvers transporte environ 700.000 visiteurs chaque année. Il reste l’un des symboles du tourisme montagnard, alliant patrimoine, technologie et respect de l’environnement.
Le Train du Montenvers est bien plus qu’un simple moyen de transport. Il incarne l’histoire d’une région, l’ingéniosité humaine face à la nature, et le lien indéfectible entre l’homme et les montagnes. Il continue de fasciner les générations, témoignant de l’importance de préserver ces lieux uniques pour les siècles à venir.
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Et demain…
Le parc des véhicules (6 locomotives et 6 remorques), âgés pour beaucoup de plus de 70 ans, sera renouvelé par des trains électriques nouvelle génération, apportant un meilleur confort aux usagers et réduisant la consommation électrique de l’infrastructure.
Le site du Montenvers, devenu un témoin emblématique des effets du changement climatique poursuit son réaménagement débuté en 2020 afin d’améliorer l’accueil des visiteurs et de renforcer un message de sensibilisation environnemental autour d’un projet de centre d’interprétation du climat.
Source : « Le train de la Mer de Glace » aux éditions du Cabri – www.cabri.fr